Edmond-Joseph Massicotte (1875-1929) est un artiste-illustrateur de grand talent: il a su représenter avec brio les racines profondes du Québec traditionnel.
La façon la plus simple de découvrir l’œuvre de ce Montréalais d’origine est d’ouvrir le livre Nos Canadiens d’autrefois, publié en 1923. Cet ouvrage est une synthèse de l’œuvre de Massicotte qui illustre les traditions populaires des Canadiens français. Chacune des douze illustrations composant le recueil est commentée par un auteur contemporain de la publication, dont Lionel Groulx, Marius Barbeau et le frère Marie-Victorin.
Tous ces personnages influents appartiennent à la mouvance du régionalisme canadien-français. Les élites sociales de l’époque, clergé nationaliste en tête, se voyaient comme les dépositaires et les défenseurs des traditions. Elles se présentaient comme le rempart contre le dépérissement d’un mode de vie traditionnel et rural face à une modernité urbaine qui « menaçait » le Québec.
L’ouvrage met le lecteur face à un défilement d’illustrations dans lequel il reconnait sa propre expérience de vie sur le territoire québécois.
Massicotte faisait lui-même partie de cette mouvance. Son intention, avec Nos Canadiens d’autrefois, est de préserver la mémoire, par le biais du souvenir visuel, des traditions de sa patrie.
Au moment de publier le recueil, Massicotte illustrait déjà depuis une douzaine d’années diverses thématiques traditionnelles de la vie au Québec. L’idée était donc de rassembler ses œuvres marquantes en un seul endroit pour en faciliter la diffusion. Ce recueil tardif dans sa production artistique peut d’ailleurs être considéré comme l’apothéose de sa carrière, puisqu’il s’agit de l’oeuvre ayant connu la plus grande diffusion de son vivant et celle qui lui a assuré la postérité.
De l’art nouveau au régionalisme
Il s’agit pourtant d’un retournement important dans la carrière artistique de Massicotte.
En effet, au début de sa carrière, ses sujets comme sa technique de dessin le rapprochaient de la mouvance moderniste. Le jeune Edmond-Joseph a d’abord été influencé par son frère ainé Édouard-Zotique, proche du mouvement symboliste. C’est grâce à lui qu’il a eu ses premières tribunes dans les revues Le Monde illustré et l’Écho des jeunes.
Massicotte est fort probablement le seul illustrateur québécois à avoir participé au courant de l’art nouveau pendant qu’il était en vogue en Europe. Cela fait de lui une exception notable dans le milieu artistique québécois et un pionnier des arts visuels de son époque.
L’art nouveau, notamment l’œuvre d’Alphonse Mucha, influencera grandement Edmond par la suite. Les œuvres de jeunesse de Massicotte ont une parenté stylistique plus qu’évidente avec la production du tchèque.
Au début de sa carrière, c’est donc les lignes tout en courbe de l’art nouveau qui le guidaient et non le réalisme traditionaliste. Fait plus qu’intéressant, Massicotte est fort probablement le seul illustrateur québécois à avoir participé au courant de l’art nouveau pendant qu’il était en vogue en Europe. Cela fait de lui une exception notable dans le milieu artistique québécois et un pionnier des arts visuels de son époque.
Ironiquement, malgré son importance pour le courant au Québec, les œuvres art nouveau de Massicotte demeurent largement inconnues à ce jour du grand public.
L’âme d’un peuple
Les années passant, l’artiste évoluera au point où il voudra tenter de concilier l’art traditionnel avec la modernité. Une rupture totale surviendra en 1909, lorsqu’il prend la direction de L’Almanach du peuple. Les éléments modernes sont entièrement évacués et le virage vers un art plus traditionnel s’impose définitivement.
Dès lors, une forte connotation régionaliste et traditionaliste apparaitra dans les œuvres de Massicotte. Et c’est exactement ce sentiment qui se dégage du recueil des Canadiens d’autrefois.
L’ouvrage regroupe des illustrations de thèmes religieux et profanes faisant écho à la vie traditionnelle des Canadiens français. On y retrouve tout autant des compositions représentant la bénédiction du jour de l’An, le saint viatique, la messe de minuit, la quête de l’Enfant-Jésus, que le Mardi gras, le temps des sucres, une veillée d’autrefois et une épluchette de blé d’Inde.
L’ouvrage met le lecteur face à un défilement d’illustrations dans lequel il reconnait sa propre expérience de vie sur le territoire québécois. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Nos Canadiens d’autrefois soit rapidement devenus un succès commercial.
Même cent ans plus tard, tous les Québécois peuvent se reconnaitre dans une œuvre de Massicotte. Les dessins de l’artiste réveillent en nous l’âme enfouie de ce qui est quelque chose comme un grand peuple…
Bonne Saint-Jean-Baptiste !