Gravure: ville de Québec, autour de 1700 (auteur inconnu, Wikimedia - CC).
Gravure: ville de Québec, autour de 1700 (auteur inconnu, Wikimedia - CC).

Devoir de femme

Qui sont Henriette Dessaules, Émilie Fortin-Tremblay, Jeanne Lapointe? Nos enfants connaissent-ils ces femmes illustres, courageuses qui ont forgé le Québec ? Poser la question, c’est y répondre. Anaïs Barbeau-Lavalette, auteure de la magnifique épopée La femme qui fuit et Mathilde Cinq-Mars, grande illustratrice québécoise, ont voulu donner en cadeau à leurs enfants – et aux nôtres – un album qui rassemble ces personnages féminins trop souvent oubliés, aux parcours pourtant inoubliables.

En tant que nouvelle maman, j’ai trouvé leur idée digne de mention. L’album, avec ses illustrations étoffées, me semblait pouvoir devenir une lecture privilégiée dans les futures années pour ma fille et moi.

Quelle déception de constater au fil de ma lecture, une grande oubliée. Je ne parle pas ici d’une femme dont il aurait fallu absolument parler – quoiqu’il me semble que Marie Guyart aurait pu avoir sa place dans cet album.

Non. La grande oubliée dont je parle ici est une certaine vérité historique.

Inexplicable anachronisme

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Comment parler de Jeanne Mance sans mentionner sa foi ? Certes, c’est possible. On peut mettre l’accent surtout sur ses contributions historiques qui sont, à elles seules, impressionnantes. Déjà, ce ne serait qu’un mince outrage à cette femme reconnue vénérable par le peuple des fidèles.

C’est une chose de ne pas la décrire comme une femme pieuse, issue d’un milieu qui l’a portée à se donner, à trouver sa vocation de missionnaire. C’en est une autre de la décrire comme une femme qui ne croit pas en Dieu, mais plutôt « aux étoiles », « à l’océan » et « en elle ». En plus d’être anachronique, c’est écarter volontairement une réalité profonde de sa vie.

Le même arrière-gout amer me saisit après la lecture de la présentation d’Émilie Gamelin, cette religieuse, fondatrice des Sœurs de la providence de Montréal. Oui, elle a accueilli « les esseulés, […] les tristes, les brisés, les perdus. » Mais qu’est-ce qui, après avoir perdu ses parents, son mari et ses trois jeunes enfants, lui en a donné la force?

Peut-on penser que c’est uniquement par humanisme que cette femme a aidé, voire sauvé, des centaines de personnes?

Pour un regard authentique

Kateri Tekakwitha, superbement illustrée dans l’album, n’avait-t-elle-pas une foi importante pour refuser de se marier afin de se consacrer tout entière à Jésus? On n’en fait pas mention, mais on évoque sa fleur préférée, le lis blanc, qui lui aurait donné le courage de ne se sentir jamais seule.

Une question me brule donc les lèvres.

Pourquoi raconter notre histoire comme si la foi profonde de ses protagonistes n’y avait pas contribué?

En tant que femmes, pour honorer les nôtres, pouvons-nous les présenter véridiquement en oubliant d’où elles venaient, ce qu’elles vivaient? Pourquoi raconter notre histoire comme si la foi profonde de ses protagonistes n’y avait pas contribué?

Par simple reconnaissance pour les congrégations religieuses et leur apport pour notre société, les héroïnes qui en sont issues méritent que l’on porte sur elles un regard authentique. C’est notre devoir de femme.

*

Anaïs Barbeau-Lavalette, Mathilde Cinq-Mars, Nos héroïnes, Montréal, Marchand de feuilles, 2018, 96 pages.


Pascale Bélanger

Pascale est une éternelle étudiante : littérature, philosophie et nutrition. Elle aime aller à la rencontre de l’Autre et apprendre chaque jour un peu plus sur l’être humain et sur sa magnifique complexité.