Les vacances de Noël approchent : enfin, le temps de lire un bon livre ! Ou l’occasion d’en offrir un en cadeau… Voici une petite sélection d’ouvrages — des romans, un essai biographique, un « beau livre » et un récit de voyage — qui racontent des moments captivants de l’histoire du Québec. Instructives, distrayantes et même dépaysantes, ces œuvres méritent d’être connues ou redécouvertes.
Montréal de clocher en clocher
François Guillet, Médiaspaul, 2023
Ce petit guide vous propose de découvrir une trentaine d’églises remarquables de la métropole à l’aide de croquis urbains, de courtes synthèses historiques et d’impressions personnelles de l’auteur. Très loin des ouvrages didactiques ennuyants, ce livre est d’une simplicité et d’une fraicheur réjouissantes. Avec ses textes très accessibles et ses dessins qui n’ont rien de la sècheresse technique des plans architecturaux — ils évoquent davantage le style d’un bédéiste comme Michel Rabagliati —, le guide plaira à un public large et de tous âges. Son originalité tient aussi au fait que l’auteur désire vraiment que les lecteurs s’imprègnent de la quiétude et de l’atmosphère de recueillement propre à ces lieux. Il capte ainsi notre attention par le récit de sa propre expérience de visite tout en attirant notre regard sur des œuvres d’art et des détails d’architecture. En plus, l’histoire de ces lieux de culte nous fait mieux comprendre l’évolution des quartiers et le rôle important des communautés religieuses. Une belle initiative de la part de ce jeune professeur de français et de dessin !
Séraphin ― Nouvelles histoires des pays d’en haut (tomes 1, 2 et 3)
Claude-Henri Grignon, Québec Amérique, 2013
Ne vous laissez pas effrayer par ces trois grosses briques : cette série de romans se dévore de manière compulsive. C’est que l’histoire, publiée en roman-feuilleton dans un magazine au début des années 1950, a été conçue pour distiller l’aventure par petites doses et nous garder « scotchés » au récit. Les romans-feuilletons de l’époque sont en quelque sorte les ancêtres de Netflix ! Et ceci n’enlève rien à la grande qualité littéraire de cette œuvre de Claude-Henri Grignon, qui a ensuite été adaptée au petit écran quelques années plus tard. Grâce au travail méticuleux d’un collectionneur, qui a compilé tous les épisodes du roman publiés dans la revue Bonnes Soirées, on retrouve la pittoresque galerie de personnages de l’univers de Séraphin Poudrier, l’avare et l’antihéros devenu une icône de notre culture. Ces figures — la douce et pieuse Donalda, le bon « gros docteur » Cyprien, le généreux Alexis Labranche et son penchant pour la boisson — sont comme un tableau vivant des vices et vertus humaines. Leurs péripéties vous feront passer par toutes les émotions : vous éclaterez de rire très souvent, vous serez tenus en haleine et vous verserez peut-être même une larme.
Une infirmière en pays neuf
Nicole de la Chevrotière, Éditions du Quartz, 2012
Le travail des infirmières de colonie est un sujet fascinant de l’histoire récente du Québec qui a inspiré des œuvres littéraires — on pense à Blanche Pronovost de la série Les Filles de Caleb — et qui fait même l’objet d’une interprétation muséale. Durant la période de colonisation suivant la Grande Dépression de 1929, des « garde-malades » sont envoyées dans des territoires isolés afin de soigner les défricheurs et leur famille dans des dispensaires, et ainsi pallier la rareté des médecins. C’est cette expérience que raconte Nicole de la Chevrotière, infirmière en Abitibi durant les années 1940. Paru une première fois en 1974 sous un autre titre, puis réédité en 2012, ce récit autobiographique mérite d’être redécouvert malgré certaines faiblesses. Le ton un peu froid et le regard parfois hautain de l’auteure, notamment en ce qui concerne la religion, peuvent agacer et surtout étonner. On s’attendrait en effet à une certaine solidarité ou à plus d’empathie envers ceux qui ont vécu dans des conditions très difficiles. Cela dit, les courtes histoires racontées sont divertissantes — particulièrement la saga des poux à l’école — et nous en apprennent beaucoup sur la vie des pionniers et le travail héroïque de ces infirmières.
Shadows on the Rock
Willa Cather, Penguin Random House, série Vintage Classics, 1995
Un roman états-unien écrit dans les années 1930, qui se déroule à Québec vers 1700, avec saint François de Laval et le comte de Frontenac parmi les personnages principaux, ça existe ? Eh oui ! Il s’agit d’un livre singulier à tous les égards qui demeure peu connu malgré la grande renommée de l’écrivaine Willa Cather. Elle est notamment lauréate d’un prix Pulitzer et encensée pour ses romans s’intéressant à la conquête des prairies américaines. Dans Shadows on the Rock, on suit l’histoire de Cécile Auclair, jeune fille de douze ans vivant à Québec avec son père apothicaire. Évêques, mendiants, fils de matelot, religieuses, marchands de fourrures et fermiers de l’ile d’Orléans, toutes les catégories sociales de la Nouvelle-France y défilent. Roman historique à la trame lente et contemplative, l’œuvre est visiblement le résultat des recherches passionnées de l’auteure qui s’attarde aux détails de la vie quotidienne à cette époque. Je recommande de le lire en anglais, si possible. La traduction française, Des Ombres sur le rocher, est plutôt difficile à trouver et probablement écrite dans une langue qui a peu à voir avec celle parlée dans la colonie en 1700.
Deux voyages sur le Saint-Maurice
Napoléon Caron, Septentrion, 2000
Vous avez envie de vous laisser transporter vers d’autres contrées ? Vous aimez les descriptions poétiques d’une nature grandiose, les récits de voyage, les tableaux de mœurs de gens au mode de vie différent ? Ce livre est pour vous. Il m’avait beaucoup charmée lorsqu’une amie me l’a prêté, il y a une dizaine d’années. J’aimerais même le lire une deuxième fois ! Il faut dire que l’auteur, l’abbé Napoléon Caron, réussit bien à transmettre son émerveillement dans ses écrits détaillés et enthousiastes de sa découverte du pays mauricien, à la fin du 19e siècle. Le jeune prêtre, amoureux de sa patrie, de sa religion, mais aussi des mots nous entraine avec lui lors de son périple en barge sur le Haut-Saint-Maurice en 1887. Il accompagne alors Monseigneur Laflèche, évêque de Trois-Rivières, pour sa première visite paroissiale aux limites nord de son diocèse, des Grandes-Piles à La Tuque. Publié dans les journaux de l’époque, son récit connait un succès tel que Caron décide d’effectuer un second voyage l’année suivante — dans le Bas-Saint-Maurice et en canot cette fois-ci — puis de réunir les deux textes dans un livre. Cette réédition du Septentrion, illustrée et enrichie d’annotations de l’historien Denis Vaugeois, est un apport précieux à l’histoire, à la géographie et à l’ethnographie du Québec.
