Il m’arrive de découvrir des artistes «en retard», c’est-à-dire, quelques années après qu’ils aient réalisé des œuvres intéressantes. Que voulez-vous! Celui que je vous présente aujourd’hui a commencé à rouler sa bosse en 2005, mais c’est surtout à partir de 2012 qu’il se fera mieux connaitre. Coup d’œil sur Alexandre Belliard.
Dernièrement, c’est l’émission Nouveaux Regards sur l’histoire, sur les ondes de Radio VM, qui me tire de mon sommeil matinal. L’animateur interview Akos Verboczy, ce jeune immigré hongrois arrivé au Québec à l’âge de onze ans, qui a publié au début 2016 Rhapsodie québécoise : itinéraire d’un enfant de la loi 101. Dans ce livre, il raconte comment il a réussi au fil du temps, à s’identifier pleinement à la culture québécoise : nos origines, notre langue et nos enjeux identitaires.
Un cas rare qui force l’admiration. J’avais déjà entendu beaucoup de bien sur lui et c’était un plaisir de l’entendre parler à la radio : on souhaiterait qu’il y en ait plus des «comme lui»…
Il nous rappelle notamment qu’«à l’école […], ce qu’on présentait de la culture québécoise était bien mince. […] On avait un seul cours d’histoire qu’on appelait Québec-Canada en secondaire 4. C’est pas beaucoup! Sur onze ans d’éducation, le Ministère de l’Éducation m’a parlé du Québec pendant un an…».
Triste réalité vécue par plusieurs générations de jeunes Québécois – dont je fais partie – depuis les années 1980. Et depuis 2005, année de la dernière réforme de l’éducation, c’est pire! Heureusement que la Coalition pour l’histoire se mobilise depuis un certain temps pour changer la donne.
Découverte
Quoi qu’il en soit, à un moment donné de l’entretien, arrive ce morceau : En un seul peuple rapaillé. Le chanteur s’appelle Alexandre Belliard et le titre de sa pièce fait évidemment référence à L’homme rapaillé de Gaston Miron.
Je suis interpelée. Je «google» tout de suite son nom. J’écoute plusieurs de ces pièces sur YouTube. Le coup de cœur! Il faut dire que j’adore l’histoire du Québec, plus particulièrement la période de la Nouvelle-France à travers laquelle je puise moi-même plusieurs inspirations pour mon travail d’artiste.
Belliard conduit un projet intitulé Légendes d’un peuple qui consiste à raconter l’histoire du Québec.
Depuis 2012, donc, Belliard conduit un projet intitulé Légendes d’un peuple qui consiste à raconter l’histoire du Québec en plusieurs tomes à travers la chanson. Pour ce faire, il choisit des personnages de notre histoire et leur rend hommage.
L’entreprise est quelque peu pédagogique et il y a des chansons moins convaincantes que d’autres, mais le jeune homme est poète et démontre un réel talent de parolier, ainsi qu’un sens de la mélodie qui touche.
J’apprends aussi que des artistes connus ont participé à la mouture collective du projet, dont Richard Séguin, Paul Piché, Vincent Vallières, Yann Perreau, Alexandre Désilets, Stéphane Archambault, Mara Tremblay, Chloé Ste-Marie, Joséphine Bacon, Salomé Leclerc, Jorane, etc.
Quelques morceaux choisis
Ainsi donc, Belliard commence avec la Nouvelle-France, nous transportant il y a 400 ans avec des accents épiques qui font rêver quiconque est sensible à la mémoire, dans des morceaux tels que Champlain, Maisonneuve, Callière, Marie Rollet.
On a beau dire, c’est vrai qu’il y avait vraiment quelque chose de grand, de fou, de mythique (et de mystique) dans l’aventure de l’Amérique française!
On regrette cependant qu’il n’y ait aucun morceau sur d’autres fondateurs aussi importants et qui ont porté la foi à bout de bras…
Ce n’est pourtant pas le choix qui manque (dont plusieurs femmes d’ailleurs): Marie de l’Incarnation, Marguerite Bourgeoys, Marguerite d’Youville, François de Laval, Jean de Brébeuf et ses compagnons saints martyrs, Kateri Tekakwitha, etc.
Puis, plus proche de nous dans la frise du temps, Belliard poétise bellement sur la flore laurentienne du frère Marie-Victorin dans la chanson Le Botaniste. Morceau d’une grande délicatesse qui passe en revue semences, fleurs et autres herbiers de chez nous. Bel hommage au fondateur du Jardin botanique de Montréal et à notre territoire.
J’ai retenu aussi les deux pièces suivantes bercées d’une nostalgie qui plonge au cœur de la blessure collective. Belliard parle de Jacques Parizeau et de Pierre Falardeau sans les nommer.
Il s’attarde plutôt à leur vie, à leurs rêves. On retrouve un peu le souffle épique des morceaux cités plus haut, mais en plus triste, évidemment : c’est doux, c’est poignant et ça vous arrache quelques larmes discrètes.
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Dans ce contexte général de perte des repères identitaires et à l’approche de la date anniversaire du 375e de la fondation de Montréal – où rappelons-le, la mémoire historique a été soigneusement occultée par les organisateurs du comité officiel –, le travail d’Alexandre Belliard réchauffe le cœur et l’âme.
Cette découverte tombe également bien avec le deuxième colloque sur la guérison de la mémoire organisé par l’Observatoire Justice et Paix qui aura lieu le samedi 11 mars prochain à la BAnQ. Au menu : réconciliation avec l’aspect chrétien de notre histoire. Eh oui, l’histoire du Québec est faite de plusieurs déchirures… à panser.
C’est donc un rendez-vous. J’invite même Akos Verboczy et Alexandre Belliard et les remercie au passage de leur apport sensible à notre peuple!
NB: Et pour ceux qui aimeraient voir Belliard en spectacle prochainement, il montera sur la scène de la Cinquième salle de La Place des Arts, les 17 et 18 mars prochain avec ses comparses.