Photo: Pixabay

Bouquinerie

Les vacances estivales approchent à grands pas et il n’est pas rare que ce temps béni soit propice aux évasions littéraires… Voici donc quelques bouquins recensés dernièrement par notre collaborateur Alex La Salle dans la revue Le Verbe.

*

Les yeux grands ouverts

Sous le titre Œil ouvert et cœur battant, l’écrivain François Cheng a regroupé deux discours publiés originellement en 2011 et réédités l’année dernière chez DDB. Le premier s’intitule «Comment envisager et dévisager la beauté?» et le second «Discours sur la vertu».bouquinerie_francois cheng

Parler de beauté et de vertu à notre époque à quelque chose d’anachronique. Il y a des lustres que les deux concepts, hérités de l’Antiquité, ont été liquidés par la modernité esthétique et la postmodernité anomique. On ne doit toutefois pas se laisser berner par cette tentative d’oblitération de la réalité par le discours. «Toute parole conteste une autre parole, mais quelle est la parole qui peut contester la vie?» demandait déjà saint Grégoire Palamas.

En réalité, la beauté des paysages, des œuvres d’art, des êtres humains (F. Cheng souligne au passage la beauté des saints) s’épanouit sans cesse sous nos yeux et nous attire à elle. Elle nous oriente vers elle et donne ainsi sens à nos vies. Utilisée à des fins perverses, elle se dégrade en artifice. Car la beauté véritable émane de la bonté et donne à cette dernière un attrait que le seul impératif moral ne saurait fournir. Dans l’ordre pratique, elle est l’éclat de la vertu. Dans l’ordre esthétique, une résonance de l’âme.

François Cheng, Œil ouvert et cœur battant, Desclée de Brouwer (coll. DDB poche), 2016, 87 pages.

 

Prier comme Thérèse

Sauriez-vous différencier la méditation de la contemplation? L’oraison discursive de l’oraison mentale? Le recueillement naturel du recueillement surnaturel? Cette petite introduction à l’oraison thérésienne, parue en 1999 et maintes fois rééditée depuis, expose de façon succincte et progressive l’enseignement de la réformatrice du Carmel sur la prière et nous aide à y voir plus clair dans cet apparent fouillis conceptuel.bouquinerie_oraison-thérésienne

Le lecteur désireux de s’initier à la démarche d’intériorité proposée par la sainte espagnole et de se frayer un chemin vers Dieu en se mettant à l’école du Carmel s’attardera particulièrement sur la première partie de l’ouvrage, consacrée pour l’essentiel à l’oraison dite «de recueillement» (la deuxième partie traite des oraisons «surnaturelles»).

Dans cette première partie, on apprend que l’oraison de recueillement se déroule en trois temps (clairement exposés par l’auteur pour éviter les contresens et les errements stériles): le recueillement proprement dit, l’acte de foi en la présence intérieure du Christ et le cœur à cœur avec notre Seigneur, vécu dans le libre épanchement du cœur ou dans la méditation de l’Évangile.

Compte tenu de sa richesse, et en raison du vocabulaire quelque peu spécialisé qui y est employé – un vocabulaire qu’on prend un certain temps à maitriser –, l’ouvrage pourrait donner l’impression que l’art de la prière est un art compliqué. Mais il n’en est rien. Rappelons l’enseignement de la sainte: «Mon Dieu n’est nullement susceptible; il n’est pas méticuleux, […] il s’accommode de toutes nos façons.»

Emmanuel Renault et Jean Abvien, L’oraison thérésienne, Éditions du Carmel (coll. ExistenCiel), 2010 (5e édition), 105 pages.

 

Apostolat apocalyptique

Cette plaquette contient le texte repris et augmenté d’une conférence prononcée à Rome en 2014 et qui se divise en deux parties: 1. «De la mission catholique et de son opposition à toute propagande idéologique» (où la nature de l’activité missionnaire est précisée); 2. «Signes des temps: pour un apostolat de l’Apocalypse» (qui esquisse la «physionomie particulière de la mission aujourd’hui»). Le tout forme un petit condensé de sagesse chrétienne extrêmement salubre.bouquinerie_fabrice_hadjadj

Moi qui suis si sensible à l’hostilité du monde à l’égard de l’Église, j’ai particulièrement apprécié ce passage de la première partie où il est écrit que, dans notre rapport avec le monde, «l’alliance précède l’affrontement»; où il est dit que, lorsqu’il y a affrontement, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, cela ne doit pas nous faire oublier que c’est toujours sur fond d’alliance.

En effet, celui qui nous envoie vers les hommes pour témoigner de lui est celui-là même qui les a créés à son image et ressemblance. Si bien que «même ceux qui sont contre nous sont avec nous par les profondeurs de leur être – car leur cœur, qu’on le veuille ou non, qu’ils le sachent ou pas, est fait par et pour Dieu».

En clair, Dieu est partout vainqueur, parce que toute participation à l’être est en quelque sorte une adhésion à l’alliance, une collaboration au plan de Dieu sur le monde. Mystère de la Création qui est déjà Révélation, Acquiescement, Rédemption.

Fabrice Hadjadj, L’aubaine d’être né en ce temps. Pour un apostolat de l’Apocalypse, Éditions Emmanuel, 2015, 62 pages.

 

Grosses rénovations

Artège nous propose ici une traduction française (qui laisse à désirer) de Divine Renovation, paru en anglais chez Novalis en 2014. S’inscrivant dans la même veine que Rebuilt. Histoire d’une paroisse reconstruite (2015), ce livre est un outil précieux et doit être lu (idéalement en anglais) par quiconque s’inquiète de l’avenir de l’Église et cherche des voies de renouvèlement pour la vie paroissiale.9782360406777-2

Pour le père Mallon, la clé de ce renouvèlement réside dans la redécouverte de la vocation missionnaire de l’Église. L’Église n’a pas tant une mission qu’elle est une mission, clame-t-il à la suite de Paul VI. Autrement dit,  il faut comprendre que ce n’est pas tant l’Église du Christ qui a une mission, que la mission du Christ qui a une Église.

En témoin plus qu’en théoricien, le père Mallon prend soin de reconnaitre les souffrances d’une Église percluse, rejeter les fausses conceptions de la vie chrétienne, déterminer les clés du renouveau, revoir la pastorale des sacrements et redéfinir le leadership ecclésial. Il appelle en somme à développer une vision et une stratégie missionnaires dans lesquelles, notons-le, le Parcours Alpha joue un rôle crucial.

James Mallon, Manuel de survie pour les paroisses, Artège, 2015, 314 pages.

 

Spiritualité de la demeure

Carmélite ayant vécu sa courte vie religieuse (cinq ans) au couvent de Dijon à l’orée du 20e siècle, Élisabeth de la Trinité (1880-1906) a été canonisée par le pape François le 16 octobre 2016, près de 110 ans après sa mort. Elle est ainsi de nouveau offerte, telle une hostie lors de l’élévation, à la contemplation du peuple de Dieu.Bouquinerie_Élisabethdelatrinité

Pour souligner ce solennel évènement, les Éditions Artège ont eu la bonne idée de rééditer, sans mise à jour (ce que l’on peut regretter), la Petite vie d’Élisabeth de la Trinité, de Bernard Sesé, parue chez Desclée de Brouwer en 1993, puis en 2005.

Moins connue que Thérèse de Lisieux, dont elle sut tirer de précieux enseignements en lisant Histoire d’une âme, Élisabeth (dont le nom signifie «mon Dieu est plénitude») a développé ce que d’aucuns appellent une spiritualité de la demeure.

Plus que tout autre texte, sa prière à la Trinité, écrite le 21 novembre 1904, nous permet d’y gouter et d’y entrer: «Ô mon Dieu, Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement pour m’établir en vous, immobile et paisible, comme si déjà mon âme était dans l’éternité. […] Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos…»

Bernard Sesé, Élisabeth de la Trinité, Artège (coll. Petite vie), 2016, 192 pages.

 

Questions brulantes

Ce livre (traduction et adaptation française de l’anglais) propose, sur le mode du dialogue respectueux avec les non-catholiques, un argumentaire de base susceptible de faire apparaitre, aux yeux de ceux qui l’ignorent, la valeur de l’enseignement de l’Église sur divers sujets qui font polémique (place du religieux dans la cité, défense de la vie, rôle de la femme dans l’Église, etc.).Couv_Questions_brulantes_BAT.indd

Selon Ivereigh et Trouiller, il importe que les catholiques évitent le réflexe de la fuite ou le piège de la réaction irritée quand on leur demande, sur un ton parfois peu amène, de justifier telle ou telle position de l’Église.

Les croyants y parviendront en passant outre la formulation parfois provocante de la question ou la manière méprisante de la poser, pour mieux se concentrer sur l’enjeu réel qui la sous-tend. Ils auront alors une superbe occasion, en s’aidant du livre, d’articuler au bénéfice de l’homme de bonne volonté une réponse accessible à tous et fidèle au Magistère.

Le but des auteurs est de faire du catholique mal préparé à présenter fidèlement et efficacement l’enseignement de l’Église une espèce en voie de disparition.

Austin Ivereigh (avec Nathalie Trouiller), Comment répondre aux questions brûlantes sur l’Église sans refroidir l’ambiance, Éditions de l’Emmanuel, 2016, 256 pages.

Alex La Salle

Alex La Salle a étudié en philosophie, en théologie et détient une maîtrise en études françaises. Il travaille en pastorale au diocèse de Montréal.