anneaux
Photo : Ben Rothstein/Prime video_c Amazon MGM studios

Anneaux de pouvoir : un peu d’espoir pour les rogers-bontemps

La série Anneaux de pouvoir continue dans sa lancée avec la deuxième des cinq saisons prévues. Certains progrès sont à noter, mais puisque seul un virage à 180 degrés l’amènerait à épouser l’esprit de Tolkien, la déception demeure. Attention, divulgâcheurs à venir.

Depuis la sortie de la première saison et ma dernière chronique sur le sujet, peu de choses sont venues déstabiliser l’engrenage de la mégacorporation à l’origine de la production. Un changement radical de direction aurait été surprenant de la part d’Amazon à ce stade de développement d’un projet dans lequel ils ont déjà investi énormément d’argent. Cela dit, je dois avouer qu’il est malgré tout rassurant de constater que les créateurs de la série semblent vraiment aimer leur projet et l’œuvre de J.R.R. Tolkien. Je ne leur prêterai pas la pure malveillance que je percevais au début quand la piètre qualité des premiers épisodes me sautait aux yeux bien plus qu’un intérêt sincère pour Tolkien et son œuvre.

Évolution depuis ses débuts

En relisant ma chronique sur la saison 1, je trouve sage ma suggestion de traiter cette série comme indépendante du génie qui l’a inspirée. J’encouragerais encore plus fortement le spectateur en ce sens après avoir visionné la fin de la première saison et le début de la deuxième.

Les derniers épisodes de la première saison présentaient plus d’action, dont la magnifique embuscade de l’elfe Arondir et l’étonnante tombée de cendres et de feu recrachée par le volcan qui deviendra le Mont Destin. J’ai aussi remarqué des développements intéressants chez certains personnages. Je pense notamment au parcours du jeune Isildur, aux tourments intérieurs de Galadriel (une fois que l’on a adhéré à cette version juvénile de l’elfe) ainsi qu’à la relation dévouée entre Arondir et une femme guérisseuse mère d’un jeune garçon. L’affection d’Istar pour les Harfoots est aussi une belle addition, quoique sa relation avec la Harfoot Nori verse un peu trop dans le sentimentalisme.

Au début de la deuxième saison, l’histoire est confuse et on ne sait plus trop ce qui se passe. L’identité de Sauron est révélée, Galadriel s’est montrée faillible à son influence (triste lieu commun que celui d’une jeune femme influençable et peu représentatif de la sagesse qui la caractérise chez Tolkien) et trois anneaux sont déjà créés. Les paramètres de la guerre sont également incertains pour chacun, en particulier pour Numénor qui a connu une défaite très humiliante.

Malheureusement, la qualité morale n’a pas changé et le sentimentalisme domine. Les cœurs à cœurs entre quasi inconnus sont aussi nombreux qu’invraisemblables et les idées avancées pour pallier les « lacunes » des récits de Tolkien déçoivent ou étonnent, mais laissent rarement neutre. À titre d’exemple, le mithril est ici utilisé pour tous les anneaux alors que seul celui porté par Galadriel est fait de ce matériau chez Tolkien ou, pire encore, la mine de mithril qui mène au réveil du Balrog aperçu dans Le Seigneur des Anneaux sont des raccourcis unidimensionnels et peu crédibles.

La production aurait également gagné à l’embauche d’un consultant en littérature anglaise pour éviter un ennuyeux verbiage. La subtilité et l’éloquence de Tolkien quant au langage demeurent insoupçonnées si l’on se fie à cette série, à l’exception de quelques dialogues plus édifiants. Malheureusement, l’émotion déborde fréquemment des personnages sans atteindre le cœur du spectateur en raison de la piètre qualité du scénario.

À suivre ?

J’ai vraiment essayé d’aimer cette série. J’ai encore une fois admiré les décors et les costumes, mais cette deuxième saison n’a pas davantage su rejoindre mon cœur ou mon intellect que la première. Je n’attends pas avec impatience la suite, au point où je me demande si la matière est trop difficile. Je m’explique.

L’intérêt du Seigneur des Anneaux réside, entre autres, dans la dimension in media res (immergé directement dans l’action) du récit. Dès l’arrivée du lecteur/spectateur dans l’histoire, Sauron est presque prêt, Saroumane est déjà attiré par les forces du mal et les tensions politiques entre les humains ont atteint un point d’éclatement. La série des Anneaux de Pouvoir, quant à elle, a pour contexte des périodes fictives au rythme lent qui s’échelonnent sur plusieurs centaines d’années. La majorité des personnages principaux vivent d’ailleurs pendant plusieurs siècles, les elfes étant même immortels. Il aurait fallu un génie de la scénarisation pour arriver à quelque chose d’aussi excitant et inspirant que Le Seigneur des Anneaux en se basant sur une portion du Silmarillion avec très peu de dialogues empreints du génie de Tolkien.

Cela dit, je sais que plusieurs apprécient cette production et j’ai pu moi-même apprécier quelques scènes. Continuons à espérer un enrichissement de la série et attendons de voir si le prochain projet de Peter Jackson, réalisateur de la série originale du Seigneur des Anneaux, saura raviver la flamme des passionnés de Tolkien.

Les trois premiers épisodes de la deuxième saison des Anneaux de pouvoir sont sortis le 29 aout dernier sur Prime Video, la diffusion des cinq suivants s’échelonnera jusqu’au 3 octobre 2024.

Isabelle Gagnon

Doctorante en lettres à l’Université du Québec à Rimouski, Isabelle étudie les littératures de langue française et celles de l'Antiquité classique. Épouse et mère, elle s'émerveille devant les réalités du quotidien autant que devant les illustres récits et poèmes du passé.