louange
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Haut les mains ! Comprendre la louange

Douce musique aux oreilles de Dieu, la louange est l’une des meilleures façons d’« entrer dans le mystère de Dieu », selon le pape François, qui a récemment exhorté les chrétiens à pratiquer cette forme de prière. Voici quelques couplets sur la plus belle et pourtant la plus négligée des prières. « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange ! » (Ps 50, 17)

L’Ancien Testament, qui est inondé de louanges, utilise sept mots hébreux pour en parler. Le plus connu est probablement halal, duquel vient alléluia (louez le Seigneur). Il signifie « célébrer avec émotion, extravagance et délire ».

Proche est le sens de zamar, qui se réfère plus directement à l’action de chanter accompagné d’instruments. Shabach, quant à lui, évoque un hommage public fait de vive voix d’un serviteur à son bon maitre. Le mot barak décrit une attitude de soumission et de confiance, l’adoration à genoux comme mode de vie.

Haut les mains !

La palme de l’image revient à yadah, qui décrit le geste d’élever les mains avec joie et soumission. Pour la joie, il vous suffit de penser à un footballeur qui marque un but et qui spontanément bondit de joie en élevant les mains. Pour la soumission, imaginez que vous êtes à la banque et qu’un voleur pointe un révolver dans votre direction. Immédiatement, vous élevez les mains… voilà yadah !

Notre Seigneur n’a-t-il pas dit qu’il viendrait à notre rencontre comme un voleur ? (Bien sûr, il est moins violent qu’un larron, mais tout aussi surprenant !)

La louange est une épiphanie de l’émerveillement. Mon corps chante et danse pour communiquer à d’autres son allégresse.

Enfin towdah, dérivé du mot yadah, décrit le même geste d’élever les mains avec adoration et remerciements, mais avec la connotation de confession, comme quand je confesse être innocent (ou coupable !) d’un crime. Towdah est ainsi une déclaration ouverte, libre et sans réserve.

Les psaumes, chants de louanges par excellence, illustrent parfaitement ces attitudes : « Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres ! Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. Comme par un festin je serai rassasié ; la joie sur les lèvres, je dirai ta louange » (Ps 62,4-6).

Une épiphanie de l’émerveillement

Tous ces mots hébreux manifestent que la louange nait de l’étonnement. Que c’est beau ! Je loue un artiste et son œuvre. Que c’est vrai ! Je loue un maitre et sa doctrine. Que c’est bon ! Je loue un ami et ses actions. Devant l’excellence d’une chose ou d’une personne, ma joie est si débordante qu’elle veut s’exprimer par tout mon être.

La louange est une épiphanie de l’émerveillement. Mon corps chante et danse pour communiquer à d’autres son allégresse. Et quand Dieu lui-même est celui que l’on admire, c’est alors que la louange devient prière.

« La louange est la forme de prière qui reconnait le plus immédiatement que Dieu est Dieu ! Elle le chante pour lui-même, elle lui rend gloire, au-delà de ce qu’il fait, parce qu’il est. » (Catéchisme de l’Église catholique, no 2639)

Dieu est Dieu ! Alléluia ! La louange est ainsi une prière qui jaillit tout naturellement de la charité la plus purement surnaturelle. Aimant Dieu comme il s’aime, la charité trouve sa joie dans la joie même de Dieu, comme une mère se réjouit du bonheur de ses enfants.

Connaissance et reconnaissance

Avant d’être « reconnaissance » de ses bienfaits, la louange est « connaissance » de sa bonté. Comme je n’attends pas que mon chanteur préféré m’écrive une chanson avant de l’aimer et de le louer. Je me réjouis de son talent et je veux le faire connaitre et aimer simplement pour partager ma joie, faire entrer le plus grand nombre de personnes dans cette joie qui m’habite.

La prière d’action de grâce, comme une sœur jumelle, accompagne presque toujours la prière de louange. Cela, car « la louange intègre aussi les autres formes de prière et les porte vers Celui qui en est la source et le terme » (CEC, no 2639).

De la connaissance de la bonté de Dieu jaillit comme tout naturellement la reconnaissance des fruits de cette bonté, de ses merveilles pour nous. « C’est de cette “merveille” de toute l’Économie du salut que monte la doxologie, la louange de Dieu. » (CEC, no 2641)

Le Gloria que nous chantons chaque dimanche exprime parfaitement ce duo connaissance-reconnaissance : « Gloire à Dieu, au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. Nous te louons, nous te bénissons, nous t’adorons, nous te glorifions, nous te rendons grâce pour ton immense gloire. »

Le secret de la joie des saints

Connaissance de la bonté de Dieu se déployant en reconnaissance de ses bienfaits, la louange fixe notre regard sur le bien. Voilà pourquoi elle a toujours été le secret de la joie des saints !

La louange est extatique. Elle nous décentre de nous-même, elle convertit notre regard, qui tend à se replier sur nos propres imperfections, pour le retourner vers les perfections de Dieu. « Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. » (Ps 33, 6)

Si les premiers chrétiens étaient spécialement reconnus pour leur joie, et ce, même dans les pires épreuves, c’est parce qu’ils passaient beaucoup plus de temps à louer le Seigneur qu’à s’examiner la conscience.

Une liturgie céleste

La louange est si divine qu’elle est l’une des rares activités que nous pratiquons sur la terre et que nous continuerons au ciel. Au ciel, nous ne mangerons pas, nous ne dormirons pas, nous ne nous laverons pas, nous n’étudierons pas, nous ne travaillerons pas, etc. Que ferons-nous, alors ?

Nous louerons éternellement le Seigneur ! La louange est donc le commencement de la vie du ciel sur la terre. C’est ce que prêche saint Augustin : 

« La méditation dans notre vie présente doit consister à louer Dieu, car l’allégresse de notre vie future sera une louange ; et personne ne peut être adapté à la vie future s’il ne s’exerce pas dès maintenant. » 

Ainsi, par la louange, nous participons déjà à la béatitude des cœurs purs qui aiment Dieu dans la foi, avant de le voir dans la gloire.

La divine liturgie est par excellence le lieu de la louange. Nous savons que les premiers chrétiens ont été fidèles aux exhortations de saint Paul à la louange. « Récitez entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés ; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre cœur » (Ép 5,19 ; Col 3,16).

Le Nouveau Testament regorge de chants de louange utilisés par les premières communautés dans leurs liturgies baptismales et eucharistiques. L’Apocalypse, toute tendue vers les réalités éternelles, est portée par les cantiques de louange de la liturgie céleste (CEC, no 2642) : « À celui qui siège sur le Trône et à l’Agneau, la louange et l’honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles » (Ap 5,13).

Un sacrifice de louange

La messe est elle-même un « sacrifice de louange », selon l’expression de la lettre aux Hébreux : « En toute circonstance, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange, c’est-à-dire les paroles de nos lèvres qui proclament son nom » (Hé 13,15).

Si l’eucharistie est considérée comme un « sacrifice de louange », c’est parce qu’elle « contient et exprime toutes les formes de prière : elle est “l’offrande pure” de tout le Corps du Christ ». Dans ce sacrifice de louange, l’Église chante la gloire de Dieu en action de grâce pour son œuvre de création et de recréation.

« Dans le sacrifice eucharistique, toute la création aimée par Dieu est présentée au Père à travers la mort et la résurrection du Christ. Par le Christ, l’Église peut offrir le sacrifice de louange en action de grâce pour tout ce que Dieu a fait de bon, de beau et de juste dans la création et dans l’humanité » (CEC, nos 1359-1351).

Devenir louange

Émerveillé par Dieu, tout chrétien est appelé à louer Dieu sans cesse. « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres ! » (Ps 33, 2)

Sa louange doit culminer à l’autel et se déployer dans toute sa vie, jusqu’à ce qu’il devienne lui-même une « louange de gloire », selon l’expression de sainte Élisabeth de la Trinité. Inspire tes enfants, Seigneur, « pour qu’ils soient eux-mêmes dans le Christ une vivante offrande à la louange de ta gloire ! » (prière eucharistique IV)


Qu’est-ce qu’une louange de gloire?

Par sainte Élisabeth de la Trinité

« Une louange de gloire, c’est une âme qui demeure en Dieu, qui l’aime d’un amour pur et désintéressé, sans se rechercher dans la douceur de cet amour ; qui l’aime par-dessus tous ses dons et quand même elle n’aurait rien reçu de Lui, et qui désire du bien à l’Objet ainsi aimé. Or comment désirer et vouloir effectivement du bien à Dieu si ce n’est en accomplissant sa volonté, puisque cette volonté ordonne toutes choses pour sa plus grande gloire ? Donc cette âme doit s’y livrer pleinement, éperdument, jusqu’à ne plus vouloir autre chose que ce que Dieu veut.

Une louange de gloire, c’est une âme de silence qui se tient comme une lyre sous la touche mystérieuse de l’Esprit Saint afin qu’Il en fasse sortir des harmonies divines ; elle sait que la souffrance est une corde qui produit des sons plus beaux encore, aussi elle aime la voir à son instrument afin de remuer plus délicieusement le Cœur de son Dieu.

Une louange de gloire, c’est une âme qui fixe Dieu dans la foi et la simplicité ; c’est un réflecteur de tout ce qu’Il est ; c’est comme un abîme sans fond dans lequel Il peut s’écouler, s’épancher ; c’est aussi comme un cristal au travers duquel Il peut rayonner et contempler toutes ses perfections et sa propre splendeur. Une âme qui permet ainsi à l’être divin de rassasier en elle son besoin de communiquer » tout ce qu’Il est et tout ce qu’Il a », est en réalité la louange de gloire de tous ses dons.

Enfin, une louange de gloire est un être toujours dans l’Action de grâces. Chacun de ses actes, de ses mouvements, chacune de ses pensées, de ses aspirations, en même temps qu’ils l’enracinent plus profondément en l’amour, sont comme un écho du Sanctus éternel. »

Simon Lessard

Simon aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps. Responsable des partenariats pour le Verbe médias, il est diplômé en philosophie et théologie.